mardi 17 mai 2011

Parc de Cajas : juste une bouffée de cimes



J’aime d’un fol amour les monts fiers et sublimes !
Les plantes n’osent pas poser leurs pieds frileux
Sur le linceul d’argent qui recouvre leurs cimes ;
Le soc s’émousserait à leurs pics anguleux.


Ni vigne aux bras lascifs, ni blés dorés, ni seigles ;
Rien qui rappelle l’homme et le travail maudit.
Dans leur air libre et pur nagent des essaims d’aigles,
Et l’écho du rocher siffle l’air du bandit.



Ils ne rapportent rien et ne sont pas utiles ;
Ils n’ont que leur beauté, je le sais, c’est bien peu ;
Mais, moi, je les préfère aux champs gras et fertiles,
Qui sont si loin du ciel qu’on n’y voit jamais Dieu !


Théophile GAUTIER


mercredi 11 mai 2011

Pérou, nous revoilà !

Le Chili n’est pas pour nous. Exceptée la viande qui nous rappelle qu’un bon steack tendre c’est quand même bien bon, San Pedro de Atacama, ville dans laquelle nous séjournons, est résolument trop chère. Alors, passés les lessives, les mises à jour de blogs, le farniente sous un ciel qui ne connaît pas les nuages et une nuit sous les étoiles en compagnie d’Hubert Reeves et ses télescopes, on reprend la route. Désormais ce sera cap vers le Nord jusqu’à la fin de notre périple, en juin. On retrouve sur notre chemin le Pérou : sa campagne électorale, ses bonnets et Cruz del Sur, notre compagnie de bus préférée. Nous nous arrêtons à Arequipa, signifiant “l’endroit derrière la montagne pointue” et qui est la seconde ville du Pérou. La montagne pointue, elle, se nomme le Misti.


Passés ces détails géographiques, Arequipa nous charme par la petite hauteur de ces édifices, n’excédant pas deux étages, et leur blancheur étincellante. Malheureusement, face à tant de bien-vivre, les photographes sont un peu tombés en panne de photos.



Après deux jours de balades et découvertes gastronomiques – les picanterías sont des restaurants où les porcions de chicharron de cerdo sont gargantuesques; même Marc abandonne ! – nous décidons de faire le cañon de Colca, deuxième plus profond cañon du monde.


Il est vrai que côté droit dans le bus, lors des rétrécissements de voie, le mot profond prend tout son sens.
Dans cet environnement, où les roches deviennent des orgues, les rives des oasis et les oiseaux des condors, on choisit la marche pour tenter d’apprivoiser cette hauteur.









Pas facile tout de même : en deux jours nous dévalons 1200 mètres, puis en remontons 900, visitons un clocher...








... en descendons 800, dormons à Malata – sommaire mais inoubliable –

piquons une tête 400 mètres plus bas et enfin escaladons pendant 3 heures et demi les 1300 mètres du départ.




Après ce marathon des dénivelés nous attend le voyage en bus le plus long du monde : 43 heures au total, 3 bus, beaucoup trop de films, des kilomètres de désert de sable et au bout l’Equateur…

dimanche 1 mai 2011

Uyuni : du sel, du sable, nada mas !

Pour agrémenter nos repas de soirée - savoureux mais rationnés - nous avons investi à Potosi dans un condiment qui faisait affreusement défaut à nos préparations : du sel. 1 kilo ; c'est le minimum ici, pour 1 bolivien (moins de 10 cents), et ne cherchez pas Noirmoitier ou Guérande sur le paquet, ce sel là vient exclusivement d'Uyuni, le plus grand désert de sel du monde, perché à plus de 4 000 mètres un peu vers le sud.



Pour s'aventurer dans le Salar, le point d'entrée est Uyuni, ville mirage en plein milieu d'un désert où ne pousse que les montagnes couleur de cendres. A la voir comme une flaque de terre cuite au milieu d'une mer de sable, on pourrait penser à Las Vegas (sauf que je ne connais pas Las Vegas...) et en un peu moins clinquant sans doute. Le long des douzaines de rues poussiéreuses qui quadrillent le village, une bonne soixantaine de minis agences touristiques, bien en rang, proposent le tour d'Uyuni, cette excursion en 4x4 qui permet de pénétrer dans le Salar d'Uyuni et de poursuivre pour deux jours de traversée vers le désert du Sud-Lipez, un joyaux de la Bolivie nous a t-on dit...

Seulement, il faut d'abord choisir l'agence, ou plutôt la sauce à laquelle on consent à se laisser manger, puisque des touristes farceurs, plus en amont du voyage, se sont amusés à vous relayer les histoires - pas si rares dit-on - de passeurs de drogues qui vous laissent en plan au milieu du cagnard, de conducteurs qui carburent à la Huari dès le matin et qu'on retrouve ivres morts, ces histoires de carambolage mortel, etc... Bref, c'est un peu tatillon que vous vous présentez aux agences qui - avec un placidité commerciale ébouriffante - égrènent l'exact même argumentaire que la voisine, et refusent de saisir la perche manifeste que vous leur tendez pour sortir du lot et vous démontrer que LEUR TOUR est réellement exceptionnel. Mais non... 
Si encore des stratégies abjectement mercantiles étaient échafaudées pour nous appâter, nous aurions au moins l'illusion de les déjouer et ainsi, moitié par élimination, moitié par pseudo-instinct, nous finirions bien par trancher. Mais non, ici le marketing n'a pas encore percé et les chalandises se gardent bien de faire une promotion plus haute que l'autre, de peur sans doute d'enfreindre la quiétude qui règne dans le voisinage et la profession.

Aller, hop, un coup de tête... Il y avait des allemands inscrits pour le tour de demain matin dans cette agence, et je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours un peu tendance à faire confiance les yeux fermés aux allemands...

Au matin de notre départ, nous sommes avec non pas 2, mais 4 allemands (je jubile...) mais aussi des hollandais et des coréens (que je tolère à l'occasion) dans deux 4x4 qui unanimement nous semblent dans un bon état. Notre chauffeur s'appelle Saul (Saoul ? humm....) et la blague de traduction franco-espagnole que vous devinez suffit à détendre illico l'atmosphère et à glisser entre les lignes - mais très clairement - le message suivant : on veut pas que tu boies, ok ?!!!

Nous partons.
Et là, on vous avait prévenu, c'est le Salar.

La ligne d'horizon tombe comme une enclume.

Ciel et Salar ne font qu'un
 
A perte de vue, du blanc, du sel et rien d'autre. Seul le bleu un rien plus vif du ciel permet de distinguer l'immensité. Avec ce soleil qui claque deux fois, on a intérêt à se protéger les yeux avec de bonnes lunettes. Ça tombe bien, nous avons préféré laisser les nôtres bien au chaud dans notre hotel à Potosi, où nous ne reviendrons jamais... Du coup, nous avons investi ; Julie dans des verres fumés comme des radios, et moi dans une monture qui se clipse sur mes binocles : effet Magnum garanti.

Double grab gracile

Avec cet air asséché par le soleil et le sel, le regard porte à des distances incroyables. En vagabondant sur le sol salé vers le nord, le sud ou pourquoi pas l'ouest, épris de liberté et étouffé d'espace, on finit vite par... s'arrêter ; à court d'idées de randos.
Sous les pas, les flocons de sels crépitent comme du vert brisé ou des Smacks dans le lait.

Julie domptant sa monture

Ces derniers mois, il a plu comme jamais dans le Salar, si bien qu'il est recouvert ça et là d'une fine pellicule d'eau qui disparaitra d'ici deux semaines mais qui donne a cette surface blanche et polie un reflet de neige glacée.

Saunier en plein travail (enfin en pause)

Notre 4x4 file à travers le paysage sans parvenir à faire bouger le paysage. De temps en temps nous croisons des sauniers boliviens pelletant à la main des tonnes de sel vers des camions a la carlingue croulante mais qui ont le mérite de faire des photos très Ikéa.



Nous quittons le Salar, direction le sud  à travers un désert semé de peluches vertes brunies par la lumière rasante de 3 ou 4 horizons. Ailleurs, c'est le sable et les timides silhouette bleues nuit ferment le ciel. On trace à travers la poussière, le long des sillons-rails, à 40 à l'heure, sous un soleil coupant, Manu Chao en guise d'hymne rassembleur.



Des pierres lunaires, posées ici depuis des millénaires partagent l'immensité avec une végétation hirsute où l'on devine serpents et scorpions.







Le vent est maitre des lieux. Il sculpte, assèche, modèle, enterre, déterre. Il fixe le rythme du désert. Et l'homme qui a depuis longtemps reconnu sa faiblesse dans ce milieu prend le parti - bien plus sage - de s'en émerveiller. Et c'est bien ainsi.



Quelques dizaine de kilomètres plus tard, nous découvrons des lagunes, comme posées au milieux de montagnes fumées, gigantesques braises endormies d'un feu antique qui aurait ravagé cette partie du monde.




Ces lagunes, qu'on croit d'abord rêver, reflètent les montagnes qui jouent avec les ocres, les gris, les mauves.
Jaune, bleue, verte... rouge. La nature a dû profiter de la solitude du désert pour aller puiser dans le fond de sa palette et oser des couleurs si crues et si improbables.


Cette laguna colorada ci-dessus, rouge sang lorsque le vent le décide, nous n'y croyions pas plus que vous ne croyez à cette photo. Et pourtant, rien n'est retouché, il s'agit bien de la couleur de l'eau, j'en veux pour preuve ces flamands roses qui se nourrissent de cette algue si particulière.


Un lama à pois
Dans ce terrain de jeu infini, il semble que tout soit permis aux forces de la nature. Nous découvrons plus loin des geysers, où l'eau des profondeurs sous pression n'a autre choix que de sortir en vapeur brûlante tant l'activité souterraine est pressante. Là aussi, rien de mieux à faire que d'ouvrir les yeux...

Julie Tazieff en approche du cratère

Belle et surprenante, cette nature n'oublie pas de gratifier ses fervents visiteurs et de fournir tout le confort nécessaire à la contemplation de son spectacle. Les sources chaudes en sont l'exemple parfait.



Au petit matin, par 4 700 mètres d'altitude, à en croire les plaques de glace qui figent les mousses, on doit flirter avec le 0°. Mais quand ces sources, profitant du soleil levant, vous appellent de leurs vapeurs, il est si bon de se laisser engourdir dans ce bain qui finit d'unir vos sens au milieu. Flottant, au propre comme au figurer, ainsi confié aux éléments, on sent littéralement les racines vous pousser dans le dos.1/


Vite rappelés à l'ordre par le soleil qui une fois de plus ne s'embarrasse pas de nuages, nous embarquons pour la dernière piste de notre traversée, le Sud Lipez, un désert plus contrasté où des dents montagneuses aiguisées de vent et de chaleur, laissent leurs entrailles couleur aubergine rouiller tranquillement au soleil.

Ici haut, les montagne semblent policées et douces comme un lourd rideau de velours qui s'affale après un spectacle rare qu'on essaiera de garder le plus profondément possible.



1/ Citation honteusement empruntée à Nicolas Bouvier dans L'Usage du Monde. Mais que voulez-vous, quand les mots sont trouvés, à quoi bon en chercher d'autres ?