dimanche 13 février 2011

La boucle du Quilotoa

Nous quittons Quito à la nuit tombée, sous une pluie battante et nous enfonçons à vive allure sur l'Avenida des Volcans en Panaméricaine.
Pendant que je m'accroche à mon siège et fixe la route en faisant des prières, Marc préfère l'horreur romancée : il est langue pendue devant un DVD dont le titre pourrait être "Le Bus de la mort", où comment un bus d'étudiants américains est stoppé en plein Ohio et se fait attaqué et dévoré par des monstres à la nuit tombée.
Après 2 heures haletantes pour nous deux, nous sommes éjectés dans Latacunga, petite ville réputée pour ses alentours et son marché, que nous ne manquerons pas d'honorer dès le lendemain matin en y achetant 5 kilos de fruits.
Après le marché, nous décidons de partir randonner pour quelques jours direction Isinlivi. Nous qui croyions avoir vécu le meilleur dans le "Quito-Latacunga", nous sommes dès les premières minutes plongés dans une atmosphère sidérante. Le bus, rempli d'équatoriens rentrant du marché ou de l'école portent tous le chapeau panama vert-bleu ou marron aec de magnifiques plumes accrochées au feutre ou au pull. Dans l'allée, des fillettes debout me sourient, peut-être se moquent, jouent avec une flute puis me parlent.
Pendant ce temps d'observation, le voyage n'est plus le même : le bus/4x4 aux tons bleus et décoré de froufrous aux fenêtres s'engage sans hésiter à travers champs et sur une route de terre. Je pense alors que ce n'est qu'un raccourci. Ce sera en fait notre chemin jusqu'à la fin. Mais c'était sans compter la boue, les nuages et la pluie. Le Quilotoa, c'est haut et l'après midi : "Se llueve cada dia, es el invierno".
Je me réjouis de cette idée, quand soudain le bus dérape. A l'arrière, je ne vois pas grand chose, mais Marc, placé devant me dit après cette étape "Heureusement que t'étais pas près d'une fenêtre".
Des hommes sortent alors et constatent qu'on s'est embourbé. Je demande à mon voisin si c'est grave. Il me sourit en me disant que ça arrive souvent. Le bus patine. Je persiste en lui demandant si nous finirons par arriver. Je crois qu'il ne s'est jamais posé ce genre de question puisqu'il répond avec le ton de l'évidence "Claro !". Je me laisse convaincre en voyant les hommes jeter du sable trouvé miraculeusement dans les bordures du chemin sous les roues du bus. Nous repartons et je finis à l'avant avec Marc qui s'est fait des amis du village d'Isinlivi et qui, pour nous distraire, nous expliquent ce que nous devrions voir sans les nuages.
C'est magnifique !
Ces 4 heures passent finalement vite et nous nous disons que cette fois-ci, nous sommes vraiment vaccinés.

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Et puis j’ouvre un œil…
La nuit n’a pas été très agréable, le sommeil a été chaotique, entre un lit délatté, et les aboiements de deux chiens qui ont trouvé bon de discuter pendant une heure au milieu de la nuit et à 500 mètres l’un de l’autre.
Embrumé par la fatigue, je cherche les fenêtres pour savoir où je me trouve. Par la lucarne du toit, je vois du blanc… peut être même du bleu… Du bleu ??? Mais ça veut dire qu’il fait beau ! Ca veut dire qu’il faut packer, qu’il faut qu’on parte fissa pour en profiter.
Je saute du lit pour vérifier, réveillant au passage mes compères de dortoirs.
Et j’aperçois ceci :

En ouvrant l'œil, au petit matin...

Ni une ni deux, et me remémorant le déluge de la veille, je réveille Julie : « Il faut qu’on parte, ça va pas durer, faut qu’on en profite ».
Finalement, entre le temps de faire son sac et de dévorer le délicieux petit déjeuner que nous a concocté la tenancière, il se passera bien une heure et demi.
Mais peu importe, le soleil est toujours là. Tom, l’anglais qui partage notre réjouissance sort même les flip flap pour l’occasion. Dès les premiers mètres, il manquera de s’étaler une dizaine de fois dans la boue fraiche et se ravisera prudemment… en remettant ses Converses (...).


Une certaine idée de la tranquillité #1

La marche est agréable, le temps est doux et le soleil tient. Nous longeons les pentes des collines andines. La pluie de la veille n’a fait que raviver les couleurs luxuriantes et les milles teintes de vert qui illuminent le paysage. Partout des vallons verdoyants, des champs si gorgés d’eau et de soleil qu’ils explosent de végétation. Parmi les plantes, les yuccas et les eucalyptus pointent des fleurs aux teintes incroyables.

Un monde de sensation #3

Cette première randonnée a consisté essentiellement en un franchissement de vallée pour remonter tout en haut de la montagne suivante et trouver le village de Chugchilan et notre auberge dans laquelle nous passerons la nuit. Le temps est clément et les dénivelés également, nous arrivons tout doux à notre auberge.

Petite pause... et tentative de rapprochement...

Avant de nous assoupir pour la nuit (il n’est que 14h !), nous avons tout de même le temps de découvrir ce village.

Imaginez, sous un ciel couvert mais clair, des baraquement en parpaings gris bruts, cubiques la plupart du temps et avec des ouvertures pour les fenêtres et les portes. Ajoutez une enseigne Coca-Cola vieillie sur la devanture, ou un panneau Movistar (l’opérateur principal du pays). Le tout agglutiné le long d’une ou deux routes en terre. Rajoutez une centaine d’équatoriens, quelques chiens errants et des poules. Vous êtes à Chugchilan.

Ici pas grand chose à faire pour des gringos comme nous, alors on s’est vite posé au bord du terrain de volley, qui regroupe les hommes du village et leur donne l’occasion de paris juteux.

Le très populaire volley équatorien
Le volley équatorien a quelque peu modifié les règles du volley traditionnel. Déjà la balle : il s’agit d’une sorte de ballon de foot bien gonflé mais ça n’a pas l’air de leur faire trop mal. Ils évoluent à 3 de part et d’autre d’un filet perché à 3 mètres (et non 2m42 comme en Europe).
Les équatoriens sont tout petits, ils sont donc bien incapables de smatcher ou de contrer à cette hauteur (tout comme nous d’ailleurs)… Et voilà tout l’intérêt de ce jeu : personne ne smatche.
Comme chez nous, il faut faire trois passes maximum, mais à la dernière, au lieu de smatcher, ils poussent la balle dans les coins, bidouillent derrière le filet. Bref, ça donne des échanges plus longs et les équatoriens ne ménagent pas leurs efforts : ils se donnent à fond, et malgré leur taille, je ne pense pas qu’ils aient a rougir de leur niveau.


Le lendemain, nous partons pour la GROSSE étape. Tellement grosse que nos compères anglais, suédois et danois nous ont faussés compagnie, préférant prendre le 4x4 et rejoindre Quilotoa par la route.
Remarque, ça peut se comprendre : ce matin, on ne voit pas à 50 mètre, un épais brouillard entoure Chugchilan. Surtout cette étape, qui devrait nous voir rallier le cratère du Quilotoa se veut plutôt éprouvante. Les gens qui l’ont fait la veille dans l’autre sens et que nous avons croisé dans l’auberge se sont bien marré quand on leur a dit notre programme : « Ah bah ca va grimper un peu… ».
Si peu… Après une descente de 400m de dénivelés pour rejoindre la rivière, nous allons devoir remonter 1100 mètres (jusqu’à 3 800m)…
Même pas peur, en tant que français prétentieux, on en a vu d’autre, c’est pas ces petites randonnettes équatorienne qui vont nous effrayer !


Paysage équatorien façonné par l'intelligence paysanne

Le terrain est en pente ?
Et alors ?

Dès la rivière atteinte, le ciel se nettoie d’un coup de ses nuages et nous offre un soleil de plomb pour aborder la remontée. Ça c’est de la chance.
La montée est difficile, et escarpée. A cette altitude, on se fatigue vite et les pauses sont nécessaires toutes les 5 minutes. Mais on parvient à arriver à un premier pallier.

Du haut de ses 2m45, Julie contraste avec les équatoriens.
Et on ne sait pas pourquoi… le ciel s’obscurcit, le vent se faire ressentir, une petit bruine puis… le déluge (eh oui, ça va assez vite ici). La pluie ne s’arrêtera plus jusqu’à ce qu’on atteigne, 2 ou 3 heures plus tard, le lac de Quilotoa plongé dans un épais brouillard (nous n’arrivons même pas à le distinguer).
Proches du but, nous hésitons entre deux sentiers pour rejoindre le village de Quilotoa. Une homme passant par là nous indique que celui que nous nous apprêtons à prendre n’est pas le bon, et qu’il faut le suivre… Bon… allons-y…
Il nous fait descendre parmi des habitations gardées par des chiens méchants (ils fait mine de nous protéger en leur lançant des pierres) et nous fait remonter sous la pluie battante. Allant bien moins vite que lui, nous préférons le laisser poursuivre sa route, mais avant de nous quitter, il compte bien se faire rétribuer son aide. Soit.
L’amertume sera d’autant plus grande quand nous nous apercevrons qu’il nous a simplement fait prendre un ralongis pour nous soutirer quelques dollars. Soit.

C’est donc trempés et passablement énervés (jamais agréable de se faire avoir, même quand on sait que c'est pour la bonne cause) que nous arrivons à Qullotoa, village dans le même style que Chugchilan, mais visiblement plus fréquenté par les touristes à en croire les sollicitations continues dont nous sommes l’objet.
La suite de la journée sera plaisante, passée essentiellement à quelques centimètres du poêle de l’auberge à discuter avec quelques autres voyageurs, un peu entre l'Auberge Espagnole et les Bronzés font du skis (e commence à sentir la fatigue... Buena note tutti !).
La fin de la soirée sera en revanche plus studieuse, passée à tenir près du poêle de notre chambre tous nos vêtements trempés en espérant qu’ils sèchent.
Résultat de cette belle journée : Julie est balade, gros coup de froid pris dans la douche de notre cabane sans chauffage quand, une fois savonnés, nous avons découvert qu’ils n’y avait pas d’eau chaude.

Il était temps que cette journée finisse, et comme souvent après les coups durs, voilà que ce matin, il fait beau. Avant que le temps tourne, nous fonçons découvrir enfin ce cratère du Quilotoa qui hier était plongé sous les nuages. Et nous ne sommes pas déçus…

Dans ce cirque de roche et de verdure, une eau bleue-verte reflète les montagnes et la quiétude du lieu.

Écoutez donc ce silence !



Le silence du cratère de Quilotoa



Une certaine idée de la tranquillité #2

Julie rit, avec Tereza et Philipp


Le seul arbre des rives du cratère du Quilotoa


Satisfaits de boucler la boucle (ahah!) nous nous engouffrons dans les bus qui nous ramènera (à fond la caisse, comme d'habitude) au point de départ Latacunga.



Dans le bus du retour

1 commentaire:

  1. J'ai fini par entendre le bruit du vent dans les branches du seul arbre du Cratère du Quilotoa ...avant les klaxons du retour. Merci pour les photos et le sourire de Julie.

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