lundi 14 mars 2011

Yasuni : au coeur de la nature

Ce n’est qu’un chapitre de notre voyage, mais cela pourrait tout aussi bien être la quête d’une vie. L’Amazonie.

Le Rio Tiputini
Poumon de la planète, berceau d’une biodiversité exceptionnelle, refuge des derniers peuples indigènes, cet endroit du monde nourrit les rêves de ses particularités et de ses richesses uniques.

Désormais, elle n’est plus une légende, ou un nom exotique lointain.
Nous y sommes, nous la voyons, nous l’entendons, nous la sentons.

Plusieurs pays se partagent l’Amazonie ; le Brésil, la Colombie, le Pérou, l'Équateur et bien d’autres.
Située en plein sur l'équateur, cette forêt bénéficie d'un climat particulier à la fois très chaud et très humide toute l'année.  Ces conditions favorisent la présence d'une faune et d'une flore très riche.
Certaines zones sont plus exceptionnelles que d'autres car elles ont été épargnées par la dernière glaciation. Dans ces refuges, des espèces ont survécu et peuplent encore aujourd'hui ces forêts. Le Parc Yasuni est parmi ces zones uniques. Il est considéré par les naturalistes comme l'une des zones les plus bio-diverses au monde. Voilà pourquoi nous souhaitons y aller.

Seulement, il n'existe que trois moyens de pénétrer dans le parc Yasuni :
  • Être Huaorani, Tagaeri ou Taromenane, les trois tribus qui peuplent ce parc. Les Tagaeris et Taromenanes sont des communautés non-contactées, ce qui veut dire qu’ils ont choisi de vivre en isolement vis-à-vis de la société. Ils vivent de chasse, pêche et ceuillette dans une zone dite intangible, c’est à dire protégée de toute exploitation. Les premiers missionnaires (religieux ou pétroliers) qui ont tenté de rompre cet isolement ont souvent fini la tête en haut d’une lance. 
  • Être employé d’une des compagnies pétrolières qui exploitent le pétrole du parc. La relation entre l'Équateur et le pétrole est une longue et tortueuse histoire, mais disons que dès que le pays a découvert ses richesses pétrolières dans les années 50, les compagnies du monde entier se sont ruées sur ces territoires vierges. Les destructions et pollutions ont été considérables et ont anéanti une partie importante des écosystèmes équatoriens. En plus de détruire les richesses inestimables du pays, ces entreprises-providence ont entaillé ces territoires de routes pour faciliter les transports et y ont déversé dollars, télévisions, voitures 4x4, et corruption. Les Huaoranis d’aujourd’hui s’habillent en Diesel. 
  • Être scientifique et séjourner dans la station scientifique située en plein parc Yasuni pour y étudier la faune et la flore qui y sont uniques.
Devenir Tagaeri semble difficile, et se faire embaucher chez un petrolero encore plus. Nous avons donc opté pour la troisième possibilité après une entrevue avec Olivier Dangles, écologue français qui travaille à Quito et qui s’intéresse beaucoup à Yasuni. Après avoir évoqué la richesse unique de ce parc (il est l’auteur de BiotaMaxima, un livre splendide à recommander), il nous a proposé de voir la réalité de plus près en passant quelques jours dans ce centre.
C’est une chance inouïe que nous ne laisserons pas passer.

Ce matin là, nous nous présentons à Pompeya, dernière ville à la lisière de la jungle. Nous devons prendre un bateau pour traverser le rio Napo, limite nord du parc Yasuni. Sur l’autre rive, ambiance double grillage, vidéo surveillance et fils barbelés. Nous sommes sorti du territoire équatorien pour rentrer en territoire Repsol. La compagnie pétrolière détient en effet la concession de ce bloc pétrolier, le bloc 16, et y fait la loi. Nous devons montrer patte blanche avant d’y pénétrer. Venant « sous couvert » de la station scientifique, nous ne rencontrons aucun problème et David, le directeur de la station nous attend dans son 4x4 pour filer direction la station.
Sitôt sorti de la base Repsol, nous suivons une route de terre et plongeons enfin dans une végétation dense et haute. Quelques heures plus tard, c’est à la station que nous arrivons, bâtiment-mirage emmitouflé dans une jungle épaisse.


La station est située sur les rives des eaux rouges et marron du fleuve Tiputini, couleur identique à la terre argileuse que nous foulons sitôt descendu de voiture.
Pour les recherches de ses pensionnaires, la station entretient quelques sentiers aux alentours qui permettent de s’immerger dans la nature puissante du lieu et d’y découvrir quelques uns des nombreuses espèces d’arbres, de reptiles, d’orchidées ou d’amphibiens.



Durant ce séjour, le climat équatorial nous a gratifié d’une journée d’un soleil magnifique, au prix acceptable de la veille, journée durant laquelle il n’a cessé de pleuvoir. Nous en avons donc profité pour découvrir ce parc Yasuni coté fleuve, le long d’une descente du Rio Tiputini avec Mingi le chef de la tribu Huaorani proche de la station.




De part et d'autres du fleuve rouge, les rives débordent de végétation
Nous avons également pu observer la forêt du haut d’un mirador culminant à 30m.




A ce moment de la description, les mots manquent pour dépeindre avec précision l’ampleur et la force du spectacle de la nature dans son état le plus spontané.




Ici, la vie surgit. A la moindre occasion. Un peu d’eau et de lumière suffisent à faire exploser une graine dans le sol et à la voir s’étendre de tout son long pour aller disputer la lumière aux autres espèces.


Des lianes massives s’entremêlent le long de troncs gigantesques, colonisés par de splendides lichens, sorte de coraux des forêts.



 
Les plantes se livrent à un concours de créativité toujours plus coloré et plus loufoques.



La forêt entonne une symphonie dans laquelle chacune des espèces tient une partition riche et juste : le petit matin appartient aux oiseaux, les cigales tiennent la fin d’après midi, et les grenouilles s’emparent du début de nuit. Les cris d’oiseaux sont d’une créativité époustouflante, si bien qu’ils
paraissent faux ou exagérés.



Les animaux sont les maitres en ces lieux. Ici le mot "sauvage" revêt un le sens le plus véritable qui soit.

Maman Tapir avec son petit, Bernard (...)

Les senteurs aussi sont vives. Dans l’air lourd de la jungle, on distingue les odeurs mêlées de feuilles et de terre.

Pour qui cherche à comprendre les inspirations et directions du monde dans lequel nous vivons, la nature peut recéler d’innombrables pistes :

Prenez par exemple cet arbre dont j’ai oublié le nom. Pour se protéger de compétiteurs, il a conclu un pacte avec les fourmis. En l’échange de leur protection contre toute nouvelle pousse d’arbres dans les alentours, il leur offre d’habiter son tronc et ses branches. Si bien que, lorsque vous coupez une de ces branches, ce sont des centaines de fourmis qui en sortent. Comestibles, ces dernières ont une délicieuse saveur acidulée de citron.


A l’état brut, la nature peut aussi permettre de mettre en perspective le cycle de la vie. Si la vie surgit avec autant de force, c'est parce qu'elle est assistée par la mort. Ici la mort fait partie de la vie, elle n’est qu’une étape de renouvellement. L’arbre mort tombera à terre et libèrera une place au soleil ; et par une rapide décomposition, il viendra alimenter en humus les racines de ces congénères. Ceux-ci inhumeront leur aïeul de feuilles et de fruits.


2 commentaires:

  1. Bah alors ?!! C'est comme ça qu'on respecte la nature ? En roulant en 4x4 en pleine Amazonie, en cassant des branches d'arbres et en prenant des pauvres fourmis innocentes pour des bonbecs ?!
    C'est pas joli joli !
    dOmdUb

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  2. En tout cas, vous savez nous donner envie (si on excepte le chapitre des fourmis!) et le tout dans un style très poétique.
    Encore!

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