dimanche 6 mars 2011

Coca - Tena : même combat ?

Fini les épisodes gastriques et autres complications !
Ce dimanche 27 février, nous prenons la route direction San Francisco de Orellana. Capitale provinciale, comme Tena, San Francisco de Orellana ou Coca est une ville de la jungle où l'humidité a laissé place à une chaleur suffocante.

A la trace

Pendant sept heures défile sous nos yeux la jungle luxuriante à perte de vue. L'arrière plan constitué des montagnes à Tena n'existe plus ici. Seuls des arbres, souvent remplacés par des palmiers, marquent la ligne d'horizon. Mais des arbres, dans la ville dans laquelle nous arrivons, point du tout. Il y coule toujours au milieu la même rivière qu'à Tena, le Napo.
Les guides sont unanimes : "Coca n'est qu'un point de départ à traverser rapidement avant de rejoindre les eco - lodges les plus luxueux du pays (compter 1400 €/personne pour 3 jours)". Mais nous, nous prenons le risque de nous laisser surprendre par cette étape studieuse.
En effet, comme vous le savez, hormis le tourisme, nous sommes ici pour tenter d'approfondir la proposition de l'Équateur de laisser du pétrole sous terre (pour en savoir plus, consulter notre autre blog, mis à jour TRÈS régulièrement). Ainsi, après avoir recueilli des témoignages d'associations et d'universitaires à Quito, nous espérons ici rencontrer les citoyens au plus proche de cette proposition.

Dernière ville avant l'entrée du Parque Nacional Yasuni, Coca s'est construite, non pas en 1560 comme Tena, mais 400 ans plus tard, dans les années 60 pour accompagner le développement de l'exploitation pétrolière. Fini les nombreuses fincas préservant les savoirs faire traditionnels de Tena, ici tout est importé et ça se ressent : les prix sont quasi européens. Dans les magasins, se déversent Nike, Puma et Reebok. Exit les tenues traditionnelles de type : souliers en cuir, gros bas en nylon blanc, jupe bleu droite au genou, châle de couleur vive et chapeau panama. Marc et moi passons pour des has been vestimentairement parlant devant leur "harlem style".
Mais comme je vous l'ai dit, nous sommes là pour travailler.
Dès le lundi, nous allons à la pêche aux bavards. Notre passage par La Casa del Maito - maito, poisson pêché dans les lagunes bordant le fleuve Napo - nous offre sur un plateau une interview dès le lendemain, avec son tenancier, Luis Duarte (ci dessous).

Marc s'est risqué au poisson au PCB, j'ai fait la fine bouche

Luis et ses amis ont décidé de nettoyer à la main les lagunes envahies par des algues invasives et de montrer ainsi au monde que les petites initiatives sont encore les meilleures.
Notre deuxième poisson qui mord à l'hameçon à l'office du Tourisme, est Sandro Ramos. Guide indépendant, il a pourtant travaillé 3 ans chez Respol dans le bloc 16 avant de réaliser que seul le tourisme raisonné pouvait sauver la culture, la biodiversité et la population locale.

Le décalage, entre ceux pour qui la suite demeure le pétrole et ceux pour qui le tourisme communautaire peut devenir l'or vert, est grand et nous surprend.
Ce ressenti ne va faire que s'accroître et atteindra son paroxysme avec le Carnaval organisé par les autorités municipales du 4 au 7 mars.
Le 5 mars, déclaré par le Président en 2010 jour du Yasuni, est l'occasion de rappeler le trésor que revêt ce Parc National. Enfin, c'est ce que nous pensons...
Par coïncidence, nous rencontrons une militante dans notre hôtel qui travaille pour le PNUD. C'est grâce à elle que samedi, dès l'aube, nous grimpons dans un pick-up en compagnie de la communauté Shuar Atahualpa pour faire un happening pendant le carnaval. Nous fonçons à travers les bidonvilles oubliés du pétrole, et passons notre premier check-point. En effet, à l'entrée des blocs pétroliers, il faut motiver sa présence à la compagnie. Nous observons avec effroi l'oléoduc qui se fraye un passage le long du chemin carrossé. A notre arrivée, d'autres militants, cette fois-ci beaucoup moins Shuar et beaucoup plus blancs s'apprêtent à monter dans les bateaux qui glisseront jusqu'à Coca. Pour couvrir l'évènement, la presse australienne est là et nous bien sûr !



Tout y est : slogans, cris, banderoles, chansons et même façon greenpeace, la prise d'assaut du pont (pour écrire Y-A-S-U-N-I) menant à la célèbre via Auca, symbole de l'extraction pétrolière et du déplacement des peuples Huaoranis.

Le pont en question

Après ce bain de militants, nous voulons vérifier avec un micro trottoir si les habitants connaissent eux aussi l'initiative. Et là, ce n'est plus un bain mais la douche froide ! Qu'en savent-ils ici ? Rien.
Les militants se dispersent pour laisser place à une fête bruyante, assourdissante où la principale activité est le barbouillage de mousse à raser.

Activité favorite du carnaval

Les locaux ont compris que le pétrole c'est l'argent, la modernité, l'alcool et les voitures. Ils ne veulent pas vivre comme les communautés qui en sont encore à se battre... pour la reconnaissance de leurs droits. Eux ont rendu les armes depuis longtemps pour se vautrer corps et âmes dans l'ultra consommation. Aux musiques et défilés traditionnels des Shuar en tunique bleu et perles issus de fruits, ils préfèrent s'agiter sur Shakira ou la Macarena.
Le Maire, lors de son discours, même s'il mise ouvertement sur le développement touristique, se risque à peine à évoquer en deux phrases Yasuni, qui sur le papier serait un Parc National, une proposition révolutionnaire et même une journée nationale ! Oui, mais le papier ici, on n'en a que faire !

La TV écran plat tourne à plein régime dans tous les bars de la ville, une voiture - information (comme celle du cirque Pinder) sillonne trop bruyamment les rues dans lesquelles il est impossible de trouver une librairie.

L'oralité serait elle donc le seul vestige transmis par les communautés indigènes ?

Notre déception est grande mais à la différence de Tena où nous n'avions pas été beaucoup plus loin que notre lit, nous avons pu palper les trajectoires de cette cité.
Une chose est sûre, après une semaine dans cette contrée, il vous sera facilement possible de comprendre que d'occidental, cette ville n'en a pas que le nom...

De Tena à Coca, un fleuve les relie mais tout semble les séparer

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