samedi 16 avril 2011

La Paz respire

Les hommes qui ont posé les premières pierres de La Paz n'avaient sans doute jamais pensé que leur village, serti d'épaisses montagnes se retrouverait vite à l'étroit et déborderait largement du lit où ils l'avaient placé. Par grignotements de moins en moins progressifs, la ville s'est étendue comme elle a pu le long de pentes à 40°, en s'accommodant des canyons, falaises et des précipices. 

La Paz, d'en haut
Il en résulte que la première vision en débarquant sur les hauteurs de la Paz est une vallée complétement colonisée par un lichen couleur corail, constitué de tuiles et de briques, où le terrain fixe la loi et où les constructions tentent de résister au diktat.

Quand on pense qu'à seulement quelques kilomètres s'étend à perte d'horizon l'immense plaine de l'Altiplano où seuls les vents et les alpagas ses chamaillent les milliers d'hectares verts et vierges. 

Engoncée dans son costume trop étriquée, La Paz a du s'adapter, tout comme les pacenos qui ont du doubler le volume de leur cage thoracique ; la ville est en effet étagée entre 3 200 et 4 000 mètres au dessus de la mer (ce qui signifie que d'un quartier à l'autre, vous pouvez en prendre pour plus de 500 mètres de dénivelés).


D'ailleurs "crapahuter" serait un meilleur terme pour définir les flâneries auxquelles nous avons tenté de nous livrer dans la ville, tant les rues sont pentues. Ajoutez à cela la rareté de l'air et les dégagements noirs-suie des microbus qui tentent l'ascension en crachant leur moteur. Les bus au gaz naturel nous ont beaucoup manqué...

Exercice de code bolivien : Je conduis le van bleu

1 : Je m'arrête           2: Je passe        3 : je tente, on verra bien
Comme à Lima, la circulation est ici un des domaines qu'il est impossible de comparer à la France.
Pas de règle, pas de priorité ou de feux tricolores (respectés du moins), mais Dieu pour tous ! Le plus gros l'emporte le plus souvent, à force de klaxons, de témérité et d'une habilité remarquable. Si vous êtes piéton, vous êtes un moustique embarrassant et ralentissant le trafic qu'il convient d'effrayer et de raser en vociférant.
Pour autant, si nous avons fréquemment poussé des petits cris d'effroi quand un micro bus nous coupait le souffle à tombeau ouvert, nos pieds sont encore en état et jamais nous n'avons été témoin d'un accident ou d'un incident qui dégénère.

Une rue normale, un jour normal
Remarquez la discrétion fascinante du réseau électrique...

Les boliviens ont beau être le peuple le plus pauvre d'Amérique du Sud, c'est sans doute dans leur regard que nous avons lu le plus de dignité et de profondeur.


Sans faire offense aux équatoriens ni au péruviens, on sent en un coup d'œil que l'histoire ne leur a rien épargné. La nature non plus ne leur a pas fait ce cadeau empoisonné du pétrole qui a tant déstabilisé les civilisations andines du nord. Ici, le salut se poursuit en grattant la terre, en guidant les bêtes à travers les pâturages ou en produisant des merveilles d'artisanats. Bien sûr, ces maigres activités ne suffisent pas à être riche, mais elle permettent de constituer une société solidaire, humble et fière de ses racines.

D'ailleurs, ce pays est un des seuls a résister farouchement à l'installation d'une normalisation occidentale. On se demande même comment elle s'y prendrait pour débarquer tant les habitudes sont empruntes d'entraide et de collectif. En France, lorsque quelqu'un étale de menus produits sur un draps dans la rue, personne ou presque ne baissera le regard sur sa marchandise, préférant la fraîcheur et la sécurité d'une enseigne.
Ici, c'est tout l'inverse, tout le monde vend de tout, tout le temps, partout. Les trottoirs sont occupés par des biffins en tous genres, vendant tantôt des ceintures, des rouleaux de papiers toilettes, des cintres, un rafraichissement ou proposant un déjeuner sur le pouce. Et ne croyez par qu'ils soient boudés par les badauds ; l'activité sociale de ces villes n'est jamais aussi vive qu'auprès de ces vendeurs à la sauvette.

Rien d'humiliant à cirer ou se faire cirer
Vendeuse de cintres, en pleine affaire...
Par ces chaleurs, la presseuse d'oranges occupe un des meilleurs filons
Quoi de neuf aujourd'hui ? Des manifs pour changer !
9h19 à ma montre, mais c'est déjà l'heure de la plâtrée pour ce petit
Dans aucun pays traversé auparavant nous n'avons senti la tradition et les coutumes si proches et si actuelles. Ici, quelque soit l'occasion, les femmes se parents de larges jupes plissés qu'elle recouvrent de tissus aux couleurs éclatantes comme des fruits au soleil. Pour échapper au soleil qui a la fâcheuse tendance de frapper fort, elle se coiffent de chapeau melon haut-perché sur le sommet de leur crane.


Ça discutaille sec à côté du cireur de chaussures ce matin...
Pendant notre séjour, nous avons également pu mesurer la vigueur de la contestation dans la société bolivienne. Chaque jour, la ville a résonné au rythme des chants des manifestants et des super-méga-mammouth lancés en l'air qui faisaient littéralement trembler la ville. Il semblerait que la société bolivienne ne soit pas aussi fan d'Evo Morales qu'on le pensait... En cause, la fraude massive à l'élection présidentielle de l'an dernier aurait, nous a t-on dit, particulièrement irrité...

Dans la rue principale, commence une manifestation pour les retraites
 La Paz est dans une cuvette, vous l'aurez compris, mais quand on sort un peu de la ville, on découvre des paysage montagneux écorchés par les vents et l'éclatante brillance du soleil.


Parmi les activités plaisantes à effectuer sur ces hauteurs, nous avons opté pour le VTT sur la Route de la Mort (Camino de la Muerte en VO). Loin d'etre une légende, cette route était auparavant celle qu'empruntaient les voitures et les camions souhaitant se rendre à La Paz. Elle aurait emporté bon nombre de vies avant qu'on se décide à en construire une plus large et moins dangereuse.


Les VTT sont aujourd'hui les seuls (saufs quelques suicidaires) à arpenter ce sentier qui trace à travers la montagne à fond la caisse, de 4 870 m à 1 200 m.

Une technique exceptionnelle qui n'a d'égal que l'aisance d'exécution...
Un "grab" décontracté
En chemin, on frôle des précipices de  centaines de mètres en essayant de maitriser sa monture, on prend la douche sous des chutes d'eau glacées et on a tout le loisirs d'admirer la végétation qui passe, au fil de la descente, de rare et rase à verte et foisonnante.

A l'instar de Jésus, Julie a roulé sur l'eau (si si !)

1 commentaire:

  1. Et sinon Yasumi sa avance? Parce que c'est bien beau de faire du VTT et des backflips mais ca sauvera jamais la planète les gringos!

    Save the world, save the cheerleader

    Ahmed

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